Les chroniques littéraires

 

par JH ROCH

 

Entre 2009 et 2014,

JH ROCH a publié une chronique littéraire mensuelle pour

La Belle Vie 50+

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Février 2012

 

Maggie

Une parabole pour notre temps

 

par JH Roch

 

Daniel Lessard, surtout connu comme journaliste de Radio-Canada (tribune parlementaire à Ottawa) est né en Beauce, plus précisément à Saint-Benjamin, en 1947.  C’est dans son village natal qu’il a dressé la scène où l’action se déroule, 30 ans avant sa naissance.

 

On trouvera beaucoup de plaisir à découvrir La Beauce du début du siècle.  Il faut vous dire que ma mère est née en Beauce en 1915 et que les récits de sa vie près de la rivière Chaudière étaient les contes de ma petite enfance montréalaise.  Je m’y suis donc retrouvée, non pas comme dans un monde idéalisé, car les récits maternels décrivaient la réalité très dure des familles nombreuses, mais comme dans le monde de mes arrière-grands-parents que je n’ai pas connus.  Et l’atmosphère du roman de Daniel Lessard est tout à fait conforme à ces souvenirs familiaux.

 

On peut lire Maggie comme une belle histoire d’amour tragique et romantique, teintée de la nostalgie de ce temps où les enfants devaient marcher des milles pour aller s’asseoir dans la petite école du rang, où l’on trayait les vaches à la main tous les jours, où l’automobile était encore une rareté et un voyage de Saint-Benjamin à Québec (100 km), toute une aventure!

 

Mais on peut lire Maggie également comme une parabole pour notre temps, ainsi que le mentionne très justement le texte de couverture.  On peut en tant que Québécois faire une réflexion profonde sur le chemin parcouru, ou non-parcouru, entre maintenant et jadis.

 

Il y a les relations entre catholiques et protestants, encore compliquées par le fait que les Irlandais sont anglophones et catholiques. Les deux solitudes se tolèrent, chacune dans son village, chacune dans son magasin général, mais l’amitié et le partage des pouvoirs n’en sont pas exclus. Il y a la Grande Guerre là-bas en Europe, et l’attitude opposée des canadiens anglais et français.

 

Il y a la politique, bleue ou rouge, en surimpression des origines, de la religion, de la tradition.  La partisannerie qui déchire le tissu social au lieu de le raccommoder. Il y a l’abus de pouvoir si facile dans les minuscules villages désargentés peuplés d’adultes qui savent à peine lire, qui sont de fervents superstitieux et qui travaillent plus fort que leurs chevaux.

 

Bien entendu, il y a l’amour entre hommes et femmes, l’amour régi par une morale extrêmement stricte et une ignorance lourde, l’amour qui n’a qu’un but : le mariage.  Un devoir : la famille.  Il y a la terrible condition féminine, mais il y a aussi la complicité féminine.

 

Et surtout, au-delà et au-dessus de tout, il y a la religion qui verse dans l’extrémisme, qui se mêle de tout, et qui compte autant d’ambitieux débridés que dans la politique, les affaires ou même les sentiments d’amour.

 

Maggie est l’histoire d’une jeune fille intelligente et résistante dans un village très pieux, Saint-Benjamin.  L’arrivée d’un nouveau curé éperdument raciste, l’aveuglement politique d’un maire, l’amour qui ose transgresser les barrières ethniques, la mort suspecte de la sœur du maire et maîtresse d’école de rang, tout ceci portera Marguerite Miller sur un chemin de tempête qui la poussera dans les ornières de la féminité tout en lui ouvrant l’horizon de la conscience.

 

Je vous recommande ce très bon récit qui comporte aussi sa dose d’humour, ses expressions anciennes et succulentes.  ‘Apparence’ que ça se lirait en une couple de journées… si j’en crois mon expérience!

 

Maggie

par Daniel Lessard

Éditions Pierre Tisseyre

389 pages